À propos
Suivi post-cancer du sein
Les médecins du Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia se sont réunis pour définir les options d’investigation et de traitement issues des standards éprouvés dans la littérature. Le document qui en découle est une aide guidant notre pratique. Cependant, le jugement est toujours de mise selon les conditions médicales particulières ou l’opinion du patient.
La participation à un essai clinique est toujours favorisée lorsque la patiente y est éligible.
Objectifs
En raison des excellents taux de survie à la suite des traitements d’un cancer du sein, celui-ci peut être dorénavant être considéré comme une affection médicale chronique.
Les objectifs du suivi suite à un traitement de cancer du sein sont de :
- Détecter la survenue d’une récidive de cancer du sein loco-régionale ou à distance ou la survenue d’un nouveau cancer (ipsilatéral ou controlatéral) afin d’en prévenir les complications.
- Évaluer et prendre en charge les effets secondaires des traitements actuels et/ou les effets secondaires à long terme des traitements antérieurs (effets secondaires physiques : douleurs, engourdissements, neuropathies, limitations de mouvements, arthralgies, douleurs musculosquelettiques, crampes musculaires, ménopause, insomnie, bouffées de chaleurs, santé osseuse, et toxicité cardiaque et pulmonaire, sécheresse vaginale, dyspareunie, dysfonction cognitive) (effets secondaires psychologiques : séquelles esthétiques, image corporelle, dépression, anxiété, fatigue, baisse de libido).
- Soutenir les patientes dans divers aspects de leur santé, fertilité/contraception, crainte d’une récidive, et capacité de retour au travail. Voir Annexes 1 et 2.
- Faire la promotion de la santé, tel que habitudes de vie (nutrition, poids, exercice, tabac, et alcool) et dépistage autres cancers selon les facteurs de risque.
- S’assurer de la coordination des soins.
- Supporter l’adhésion aux traitements.
Particularités
Toutes les patientes traitées pour un cancer du sein devraient être informées des signes et symptômes potentiels d’une récidive et avisées de consulter rapidement au besoin :
- nouvelle masse au sein
- lésions cutanées
- masse aux aires ganglionnaires
- nouvelles douleurs thoraciques ou osseuses ou abdominale
- céphalées persistantes
- nouvelle toux ou dyspnée
- saignements anormaux
- perte de poids inexpliquée
- tout autres symptômes et/ou signe nouveau, inhabituel et persistant.
Il est important de se rappeler que les récidives de cancers triples-négatifs surviennent le plus souvent au cours des 5 premières années suivant le diagnostic. Les cancers HER2-positifs avec récepteurs hormonaux négatifs ont un schéma de rechute similaire, tandis que les cancers avec récepteurs hormonaux positifs continuent de réapparaître au fil du temps, jusqu’à et au-delà de 10 ans suivant le diagnostic [1].
Fréquence du suivi
Notes :
Dans les situations où le suivi est assuré par plusieurs intervenants médicaux, les visites devraient se faire en alternance selon la fréquence établie, afin d’éviter une duplication des visites.
La fréquence des visites de suivi peut être adaptée selon le risque de récidive. Le suivi doit être individualisé selon l’âge au diagnostic, le diagnostic, le risque de récidive, et les traitements reçus.
Pour tous les cancers infiltrants
Les patientes devraient être vues :
- aux 3 à 6 mois, pour 2-3 ans;
- aux 6 mois, de 2 à 5 ans;
- puis annuellement.
Pour les cancers “in situ” (DCIS)
Les patientes devraient être vues:
- aux 6 mois, pour 2 ans;
- puis annuellement.
Suivi
À chaque visite, une histoire et un examen physique doivent être faits.
Histoire
Signes et symptômes.
Revue complète des systèmes. En particulier : cardiaque, respiratoire, digestif, musculo-squelettique, neurologique. Aussi : aspects psychosociaux et révision de l’histoire familiale de cancer.
En conformité au traitement hormonal, il faut profiter des visites médicales pour questionner sur l’observance et explorer les raisons de la non-observance tout en rappelant les avantages de l’observance en terme de réduction du risque de récidive et de nouvelle maladie contralatérale.
Évaluation et conseils sur les habitudes de vie : éviter/cessation tabagisme, modérer la consommation d’alcool (maximum 2 verres/jour, maximum 10 verres/semaine), maintenir un poids-santé (IMC 19-25 kg/m2) et pratiquer de l’activité physique (150 min/semaine d’exercice modéré ou 75 min/semaine d’exercice intense, incluant musculation 2 fois par semaine) car bénéfices sur la qualité de vie (douleur, sommeil, fatigue, chaleurs, et amélioration de la survie).
Examen physique
- Aires ganglionnaires axillaires, cervicales et sus-claviculaires ;
- Seins/cicatrices ;
- Poumons ;
- Cœur ;
- Abdomen ;
- Colonne vertébrale ;
- Membre supérieur (lymphœdème) ;
- Autres, si symptômes pertinents.
- Les différents organismes internationaux, canadiens, et provinciaux recommandent un examen gynécologique annuel chez les femmes ayant eu un cancer du sein sans jamais préciser en quoi consiste cet examen gynécologique [2-5]. De plus, il n’est jamais précisé dans les études utilisant le tamoxifène soit en adjuvant ou en prévention quel fût le mode de présentation du cancer de l’endomètre ou du cancer du myomètre, sauf que les cas furent trouvés surtout après l’âge de 50 ans et en majorité au stade I. Le médecin de famille canadien de 2006 ne recommande pas d’examen gynécologique ou pelvien. L’Institut National du Cancer en France de 2013 recommande qu’il y ait suspicion lorsque présence de symptômes, en particulier des saignements en postménopause ou des ménorragies en préménopause. Enfin, le groupe canadien sur les soins préventifs adopte les lignes directrices de l’American College of Physicians de 2016 et recommande de ne pas effectuer d’examen pelvien de dépistage pour les cancers autres que le cancer du col utérin. Tout ceci s’accorde avec les recommandations du Collège des Médecins du Québec de 2020 quant à l’examen périodique ainsi que pour la SOGC 2018 et 2019.
- Aucune investigation spécialisée (par exemple : échographie, biopsie) n’est nécessaire en l’absence de symptôme gynécologique (principalement saignement post-ménopause).
- Une investigation appropriée doit être faite si des saignements anormaux se produisent, surtout si sous tamoxifène (biopsie de l’endomètre), ou pour tout saignement soit dysfonctionnel ou en post ménopause.
- Référence oncogénétique, au besoin (voir les lignes directrices sur le dépistage génétique et suivi des personnes à risque).
Investigations
Mammographie
La mammographie annuelle est le seul examen recommandé pour le suivi des patientes ayant été traitées pour un cancer du sein.
La première mammographie après les traitements pour un cancer du sein peut être faite soit 1 an après la mammographie initiale ou soit 6 mois après la fin des traitements de radiothérapie.
IRM des seins selon le risque (voir les lignes directrices sur le dépistage génétique et suivi des personnes à risque).
Après 75 ans, considérer l’espérance de vie (5 ou 10 ans, idéalement), et l’état de santé; donc individualiser après 75 ans et tenir compte du choix de la patiente.
L’échographie peut être utilisée avec la mammographie s’il y a contrindication à l’IRM lorsqu’une IRM est indiqué, ou chez les jeunes patientes si seins denses [6].
Ostéodensitométrie
Voir les lignes directrices sur la thérapie endocrinienne chez les cancers du sein dont les récepteurs hormonaux sont positifs.
Autres examens de laboratoire et de radiologie
En l’absence de signes et/ou symptômes pouvant évoquer une récidive, aucun biomarqueurs (CEA, CA-15-3) ni examens radiologiques, sauf la mammographie et/ou ostéodensitométrie, ne sont requis ou recommandés lors des visites de suivi ou de dépistage précoce des métastases. Cela ne modifie ni la survie des patientes ni leur qualité de vie.
En présence de symptômes et/ou signes pouvant évoquer une récidive de la maladie, l’investigation doit être complétée par des examens appropriés.
Hormonothérapie de substitution après la fin des traitements pour un cancer du sein
L’avis général des experts est de ne pas donner une hormonothérapie de substitution en traitement systémique après un cancer du sein. Toutefois, les traitements vaginaux comme les comprimés à libération d’estradiol et l’anneau vaginal libérant de l’estradiol peuvent être acceptés.
* Veillez prendre note que le guide suivant a été mis à jour en date du 30/05/2022. N’hésitez pas à consulter des sites références pour vous gardez à jour et assurer l’efficacité de vos suivis.
- BCCancer. Breast Cancer. Follow-up Care. Vancouver: British Columbia Cancer Agency; 2015.
- Fisher B, Jeong JH, Bryant J, Anderson S, Dignam J, Fisher ER, et al. Treatment of lymph-node-negative, oestrogen-receptor-positive breast cancer: long-term findings from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project randomised clinical trials. Lancet. 2004;364(9437):858-68. Epub 2004/09/08. doi: 10.1016/S0140-6736(04)16981-X. PubMed PMID: 15351193.
- Marttunen MB, Cacciatore B, Hietanen P, Pyrhonen S, Tiitinen A, Wahlstrom T, et al. Prospective study on gynaecological effects of two antioestrogens tamoxifen and toremifene in postmenopausal women. Br J Cancer. 2001;84(7):897-902. Epub 2001/04/05. doi: 10.1054/bjoc.2001.1703. PubMed PMID: 11286468; PubMed Central PMCID: PMCPMC2363827.
- Hann LE, Giess CS, Bach AM, Tao Y, Baum HJ, Barakat RR. Endometrial thickness in tamoxifen-treated patients: correlation with clinical and pathologic findings. AJR Am J Roentgenol. 1997;168(3):657-61. Epub 1997/03/01. doi: 10.2214/ajr.168.3.9057510. PubMed PMID: 9057510.
- Genc M, Genc B, Sahin N, Celik E, Turan GA, Gur EB, et al. Endometrial pathology in postmenopausal women with no bleeding. Climacteric. 2015;18(2):241-5. Epub 2014/07/16. doi: 10.3109/13697137.2014.944152. PubMed PMID: 25017611.
- Ministère de la Santé et des Services sociaux. Indications pour l’échographie mammaire – Recommandations du Comité national sur le dépistage et l’investigation du cancer du sein. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001959/2017.
- NCCN Clinical Practice Guidelines in Oncology (NCCN Guidelines). Breast Cancer. Version 7.2021. Fort Washington: National Comprehensive Cancer Network; 2021.
- Alberta Health Services. Follow-up care for early-stage breast cancer. Clinical practice guideline BR-013. Version 2. Calgary: Alberta Health Services; 2015.
- BCCancer. Breast Cancer. Follow-up Care. Vancouver: British Columbia Cancer Agency; 2015.
- Canadian Cancer Society. Follow-up after treatment for breast cancer2021.
- Cancer Care Ontario. Ontario breast cancer follow-up care clinical guidance summary. Toronto: Cancer Care Ontario; 2019.
- Cardoso F, Kyriakides S, Ohno S, Penault-Llorca F, Poortmans P, Rubio IT, et al. Early breast cancer: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-updagger. Ann Oncol. 2019;30(8):1194-220. Epub 2019/06/05. doi: 10.1093/annonc/mdz173. PubMed PMID: 31161190.
- Institut National du Cancer. Cancers du sein / Du diagnostic au suivi. Boulogne Billancourt: Institut National du Cancer; 2016.
- Khatcheressian JL, Hurley P, Bantug E, Esserman LJ, Grunfeld E, Halberg F, et al. Breast cancer follow-up and management after primary treatment: American Society of Clinical Oncology clinical practice guideline update. J Clin Oncol. 2013;31(7):961-5. Epub 2012/11/07. doi: 10.1200/JCO.2012.45.9859. PubMed PMID: 23129741.
- Runowicz CD, Leach CR, Henry NL, Henry KS, Mackey HT, Cowens-Alvarado RL, et al. American Cancer Society/American Society of Clinical Oncology Breast Cancer Survivorship Care Guideline. J Clin Oncol. 2016;34(6):611-35. Epub 2015/12/09. doi: 10.1200/JCO.2015.64.3809. PubMed PMID: 26644543.
- Sisler J, Chaput G, Sussman J, Ozokwelu E. Can Fam Physician. 2016;62(10):e578-e85. Epub 2016/10/16. PubMed PMID: 27737992; PubMed Central PMCID: PMCPMC5063783.
- Holmberg L, Anderson H, steering H, data monitoring c. HABITS (hormonal replacement therapy after breast cancer–is it safe?), a randomised comparison: trial stopped. Lancet. 2004;363(9407):453-5. Epub 2004/02/14. doi: 10.1016/S0140-6736(04)15493-7. PubMed PMID: 14962527.
Catégorie | Recommandations |
---|---|
Santé cardiovasculaire | • Surveiller la lipidémie et fournir une surveillance cardiovasculaire, si indiqué [1]. Une surveillance lipidique peut être indiquée pendant les premiers mois d’anastrozole et de létrozole. • Éduquer la patiente sur les modifications visant un mode de vie sain (alimentation équilibrée, exercice, abandon du tabac), les facteurs de risque cardiaque potentiels et quand rapporter les symptômes pertinents (essoufflement ou fatigue) aux professionnels de la santé • Les patientes qui ont reçu une anthracycline peuvent être à risque d’insuffisance cardiaque. |
Dysfonctionnement cognitif | • Poser des questions sur les difficultés cognitives • Évaluer les facteurs réversibles de contribution au déficit cognitif et traiter de manière optimale si possible • Recommander à une évaluation neurocognitive et à la réadaptation en présence de signes de déficit cognitif • Suggérer des stratégies de prise en charge et d’adaptation autonomes contre le dysfonctionnement cognitif (relaxation, gestion du stress, programme d’exercice) |
Détresse, dépression, anxiété | • Évaluer la détresse, la dépression et l’anxiété • Évaluer plus en profondeur si la patiente présente un risque élevé de dépression • Offrir counseling et pharmacothérapie ou recommander à une ressource en santé mentale, si indiqué |
Fatigue | • Évaluer la fatigue, à l’aide de l’échelle d’évaluation de la gravité, et traiter les causes • Offrir un traitement ou une recommandation pour les facteurs qui influent sur la fatigue (troubles de l’humeur, troubles du sommeil, douleur, etc.) • Encourager l’activité physique régulière, recommander à la TCC si indiqué • En présence de fatigue, fournir de l’information et des stratégies générales pour la gérer, et évaluer • Ne pas recommander le méthylphénidate ni le modafinil pour prendre en charge la fatigue, vu l’insuffisance des données probantes • Les données préliminaires laissent croire que le yoga atténue probablement la fatigue |
Recommandation en counseling génétique | Envisager la recommandation en consultation génétique si • le cancer du sein a été diagnostiqué avant 50 ans (surtout si <35 ans) • cancer des ovaires à n’importe quel stade (épithélial) • cancer du sein bilatéral chez la même femme • cancers du sein et des ovaires chez la même femme ou dans la même famille • nombreux cancers du sein du même côté de la famille (paternel ou maternel) • cancer du sein chez un homme • ethnicité juive ashkénaze |
Ostéoporose | • Ostéodensitométrie au départ, puis tous les 2 ans si la patiente est sous inhibiteurs de l’aromatase ou gosereline. |
Douleur et neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie (NPIC) | • Évaluer la douleur et les facteurs de contribution à l’aide de l’échelle d’évaluation de la douleur et d’une anamnèse • Offrir des interventions contre la douleur comme l’acétaminophène, les anti-inflammatoire non stéroïdien, l’activité physique ou l’acupuncture • Suggérer l’activité physique contre la douleur neuropathique • Suggérer la duloxétine contre la douleur neuropathique • Recommander aux spécialistes appropriés une fois la cause de la douleur déterminée (p. ex. spécialiste du lymphœdème) • Envisager la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) pour la neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie chez les survivantes qui présentent des contre-indications aux médicaments ou pour lesquelles le médicament est inefficace. Le TENS est utilisé en physiothérapie pour le soulagement de la douleur • Pensez à l’acupuncture pour les patientes qui souffrent de NPIC réfractaire au traitement |
Santé sexuelle | • Évaluer les signes et symptômes de troubles sexuels ou liés à l’intimité • Évaluer les facteurs réversibles de contribution aux problèmes sexuels et traiter si approprié • Offrir des lubrifiants non hormonaux à base d’eau pour la sécheresse vaginale • Recommander en psychoéducation et en counseling sexuel ou conjugal si approprié |
Ménopause prématurée, symptômes de ménopause | • Offrir des inhibiteur sélectifs du recaptage de la noradrénaline, inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine ou la gabapentine et des modifications au mode de vie pour atténuer les symptômes vasomoteurs de la ménopause prématurée • Envisager la thérapie cognitivo-comportementale ou un programme d’exercice en guise de traitement • Envisager des interventions et consultations éducatives adaptées à la patiente, si approprié, pour atténuer les symptômes de la ménopause |
Lymphœdème | • Conseiller la perte pondérale chez les patientes qui souffrent d’embonpoint ou d’obésité pour prévenir ou réduire le risque de lymphœdème • Informer les survivantes quant aux signes et symptômes du lymphœdème et évaluer le lymphœdème • Recommander si les symptômes évoquent un lymphœdème |
Infertilité | • Recommander sans tarder les survivantes en âge de procréer qui sont infertiles à un spécialiste en endocrinologie de la reproduction et en infertilité |
Inquiétudes liées à l’image corporelle | • Évaluer les inquiétudes liées à l’image corporelle • Recommander à une ressource psychosociale si indiqué |
Guide de pratique de la CMS – Mise à jour 3 février 2021
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